Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… À chaque fois que je pense à cet article, j’invoque la chanson de Charles Aznavour. Il ne s’agit pas ici, de vous parler de la bohème. Je voulais explorer les influences des années 80/90 sur les jeunes générations, les Milléniaux, et par conséquent sur l’air du temps. Il est incontestable que le design de cette période influence plus que jamais la scène créative actuelle, mais alors d’une manière régressive, drôle et absolument décomplexée.
Si vous êtes passés à côté de cette vague, c’est que vous n’êtes sans doute pas un millénial ! Ou que vous avez soupé des années 80/90 dans votre jeunesse, comme moi. Vous êtes sans doute encore baigné dans les ambiances minimalistes scandinaves, slow, zen, méditerranéennes, tout ce qui inspire le calme et le repos, le bon goût. Il semblerait qu’une grande partie de la jeune génération n’est pas envie de cela.
L’histoire de la culture a toujours été caractérisée par des révolutions et des renouveaux, et des périodes de minimalisme austère ont toujours alterné avec des maximalismes plus éclectiques », dixit Alberto Bianchi Albrici, qui dirige depuis 1996 la société Memphis.
Les couleurs fluos, les tonalités pastel, les bleus électriques et les verts menthe à l’eau, le rose saumon, les meubles fantaisistes aux courbes tubulaires, les motifs à damier, tout ce que vous ne pensiez plus revoir, revient. Cette esthétique ne cesse de nourrir et envahir le flux des comptes Instagram. Les connaisseurs du mouvement Memphis-Milano n’y verront qu’un juste retour des choses, en mode nostalgie ! Les plus jeunes, autre chose.
Ce que je trouve personnellement très amusant, et très nourrissant, est de voir les novices s’emparer de cette esthétique kitsch et discordant, comme quelque chose de nouveau, dont ils n’auraient qu’une vague conscience des contenus.
Autres inspirations
Une esthétique héritée des années 80/90
Je pourrais circonscrire cette tendance « régressive » aux influences du mouvement Memphis, mais ce serait faire un raccourci trop facile. Certes, les influences du mouvement Memphis-Milano, fondé en 1980 dans le salon du designer Ettore Sottsass, sont partout. On retrouve, dans l’air du temps, ce besoin d’irrévérence envers le design bourgeois bien-pensant, « bon chic, bon genre« .
Il y a une nostalgie pour la culture au sens large des années 70 à 2000. C’est dans ce temps-là que beaucoup de choses ont été inventées, et que la société de consommation, dans ce qu’elle a de plus « bling & sheap« , a pris toute son ampleur dans une certaine bonne humeur.
Comment l’esthétique des années 80/90 sévit dans les années 2020 ?
Chacun s’en empare à sa façon. Les collectionneurs aiment à glisser un objet Memphis dans leur intérieur, histoire de lui donner une petite note décalée sans trop prendre de risque. Des designers comme le studio anglais 2LG, qui ont grandi dans les années 80, cultivent cette esthétique en l’ancrant dans notre époque. Les plus jeunes prennent un grand shaker, et mélangent le tout : palette de couleurs électriques, formes, culture Pop, générique de feuilletons, clips, art kitsch, dans un kaléidoscope psychédélique, au temps des réseaux sociaux.
Culture fun, design régressif !
Il fut un temps où nous étions moins acculés, où consommer ne relevait pas de la culpabilité, où certes, les crises économiques, sociales, se succédaient aussi, mais de loin. Il fut un temps où se cultivait une certaine insouciance. Cet esprit libre, résolument optimiste, ouvert à l’expérimentation se reflétait dans l’art et la culture en général.
Les figures des années 80/90 reprennent du service, et inspirent les nouvelles générations d’artistes et créatifs en tout genre. Ils s’approprient toute cette créativité fun, peuplée de cartoon, de fleurs psychédéliques, de palette rainbow, de feuilletons et dessins animés kitsch, de rock stars allumées. Cette nouvelle esthétique, basée sur l’humour et la dérision, s’insinue dans tous les domaines : design, graphisme, décoration, habillement. Elle afflue sur les réseaux sociaux à travers des mises en scène délirantes.
Une esthétique « Arc-en-ciel »
Marre des couleurs neutres, des palettes de brun, cette tendance ose le mix des couleurs en mode « arc-en-ciel ». Cela me fait invariablement penser aux palettes de couleurs des dessins animés des années 80 comme les bisounours et leurs poneys « arc-en-ciel ». Il y a aussi, toute cette référence à l’univers japonais kawaii, entendez mignon.
Je vous ai expliqué dans maints articles comment introduire de la couleur de façon harmonieuse. Oubliez tout ce que je vous ai dit ou presque. Les décorateurs aguerris, et moins aguerris, s’amusent en ce moment à contourner les codes, dans un mode colorblock.
La couleur se consomme comme une gourmandise sucrée. Elle devient ludique, addictive, joyeuse !
Jeux de formes et couleurs en 3D
La maison se conçoit et se pense en 3D. Vous me direz que l’architecture est l’art de créer des volumes pour y habiter ! Les architectes nous ont habitués au blanc, car le blanc donne un sentiment de spatialité. Une partie de la sphère créative s’empare des couleurs vives pour explorer leur impact dans l’espace. La maison devient un terrain de jeux pour expérimenter la couleur en total look, dans de grands aplats, auxquels répondent des motifs graphiques. La perception des volumes se modifie.
C’est ludique, régressif. Les exemples que je montre sont sans doute excessifs, mais ils engagent une réflexion sur l’usage de la couleur en décoration intérieure.
Le vintage, remastérisé en mode pastel
Depuis le début des années 2000, nous adorons le mobilier vintage, tous ses meubles des années 50 à presque nos jours. « Presque nos jours » n’est absolument pas français. C’est une façon de dire que le mobilier vintage chiné, collectionné se mélange comme sur une table de mixage avec des rééditions, des objets « inspirés des années … » , du design d’aujourd’hui. Le tout souvent, dans des ambiances aux couleurs pastel, relevées de couleurs pop.
L’humour en plus
Les objets se réinventent de plus sous des formes ludiques en version XXL, mobile, réversible, molle. L’humour passe en premier et second degrés. À l’instar du groupe italien Memphis, le design se fait fi de l’esthétique « bourgeoise et conventionnelle ». Le mauvais goût est pleinement assumé, il est même revendiqué.
Les objets se moquent de la fonctionnalité et se jouent des codes et des formes. Ils se décomposent en objets qui s’assemblent. Ils prennent des formes totémiques, grossissent, se couvrent de rayures ou de pois.
Conclusion de cet article : « Osons ! Amusons-nous avec le design ! Mixons les couleurs, les formes et les motifs ! » Cela ne veut certainement pas dire que nous devons tous absolument aimer ce type de décor, mais que nous pouvons nous amuser. Même en appréciant éperdument les environnements épurés, nous pouvons introduire une pointe d’originalité.
J’ai écrit un article sur le style maximalisme minimaliste qui est la suite logique de cet article !
Isis Bi M
8 mars
j’adore, merci
Sophie
29 mars
Wouah, toutes ces couleurs, quelle créativité, je suis vraiment admirative de ceux qui savent mélanger avec autant de talent ce qui pourrait si vite devenir laid. Merveilleux article ! Merci